Les maçons
Si l’on commençait par une chanson…
…Une chanson écrite par un maçon-tailleur de pierre creusois, Jean Petit dit Jan dau Boueix (1810-1880), entre 1855 et 1860. Il était originaire du village du Boueix, sur la commune de Puy-Malsignat. Cette chanson, souvent chantée par les maçons creusois, est devenue en quelque sorte notre “hymne départemental”. Jean Petit, opposant républicain à l’Empire, a été, aux côtés de Jean Macé, en 1866 l’un des quatre fondateurs de la célèbre “Ligue de l’enseignement” qui sera à l’origine des lois de Jules Ferry fondatrices de l’école publique en France.
La chanson “Les maçons de la Creuse” est interprétée ici par “Les troubadours des bruyères”. Le tailleur de pierre au premier plan, également sculpteur, est un ancien professeur du Lycée des Métiers du Bâtiment de Felletin, lycée au rayonnement national qui perpétue la tradition de bâtisseurs des Creusois qui de la fin du Moyen-Age au début du 20ème siècle les a conduits sur toutes les routes de France.
La migration saisonnière des maçons de Sannat
La migration saisonnière des maçons fait la singularité de la plupart des communes de notre département. Phénomène unique en France de par son ampleur dans le temps et dans l’espace, il a profondément façonné l’identité creusoise et marqué notre histoire.
Sannat fut une commune maçonnante, bien que située à la limite de ce nord-est de la Creuse qui ne migra guère. Elle en garde le témoignage dans ses maisons dites “retour de migrants”, ses bâtiments agricoles anciens, et dans son église érigée à la fin du 19ème siècle comme fier symbole du savoir-faire de ses maçons et de ses tailleurs de pierre.
Pour introduire ces lectures de manière agréable vous pouvez écouter notre “hymne creusois” revisité brillamment par Jean-Paul Jamot “Les maçons de la Creuse”
Ce tableau a été établi grâce aux recherches effectuées par Anne-Marie Maleterre-Delage à partir des fiches matricules consultables sur le site des Archives départementales de la Creuse. Elles ne concernent qu’une période limitée, en gros celle de la IIIème République avant la première guerre mondiale (1870-1914), et qu’une partie des migrants, ceux qui déclaraient à l’autorité militaire leurs lieux de résidence temporaire. Ces documents n’en constituent pas moins un riche outil qui permet de se faire une idée plus précise de ce que fut localement, pour notre commune, la migration, en particulier son évolution dans le temps et la localisation des destinations des migrants. Nous avons analysé ces informations dans le commentaire précédent. Le détail du tableau permet de visualiser ces migrations, et pourquoi pas d’y trouver un ancêtre.
Les lignes en caractère gras et surlignées en jaune informent sur l’état-civil des personnes, les autres, les villes de migration. Le premier nombre indique l’année de migration (réduit aux 2 derniers chiffres…92 signifie 1892 ou 02 : 1902). Le second nombre, après le nom de la ville, mentionne le N° du département.
Tous les migrants cités ont habité Sannat, mais pas obligatoirement toute leur vie. Ils peuvent être nés à Sannat puis avoir déménagé, comme à l’inverse ils peuvent être nés ailleurs puis être venus habiter ici. L’adresse est celle qui était la leur à leurs 20 ans, au moment du conseil de révision.
Les migrations d’un maçon sannatois : Jean Terrier
Ce travail de présentation et d’analyse a été permis par la mise à disposition par Roland Nicoux, Président de l’association des maçons de la Creuse, d’un « livret d’ouvrier » d’un maçon sannatois, Jean Terrier. Qu’il en soit ici chaleureusement remercié. Etant donné l’importance des maçons dans le village de la Chassagnade où résidait ce migrant, l’étude de ce village fait office d’introduction à cet article.
Les migrations d’un maçon voisin de Sannat : Auguste Rayé
Nouvelle analyse de la carrière d’un maçon migrant, habitant d’un autre lieu, proche de Sannat, la commune voisine de Saint-Julien-la-Genête, ayant migré à une période un peu plus récente, et qui nous est restituée par un autre type de document. Il s’agit en l’occurrence d’un simple cahier d’écolier sur lequel, en trois double-pages, sa carrière professionnelle terminée, Auguste Rayé l’a soigneusement résumée, de sa naissance, jusqu’à sa retraite. Ce document avait été remis par des descendants d’Auguste Rayé à Marc Parotin, enseignant, élu et historien local qui lui-même l’avait transmis à Roland Nicoux, Président de l’association des Maçons de la Creuse. Ce dernier, dans la foulée du travail précédemment effectué m’a demandé d’en faire l’analyse, comme je l’avais déjà fait avec le livret d’ouvrier de Jean Terrier. Ce que j’ai fait avec grand plaisir.
La migration saisonnière des maçons des anciens cantons d’Evaux, de Chambon, d’Auzances et de Bellegarde à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème.
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L’étude que vous pouvez consulter en téléchargeant cet article traite également de la migration des maçons et autres ouvriers du bâtiment, qui quittaient nos campagnes chaque début de printemps, pour y revenir à la fin de l’automne. Mais au contraire des études précédentes qui concernaient essentiellement la commune de Sannat, celle-ci augmente son périmètre d’investigation en s’intéressant à l’ensemble des communes des 4 cantons de notre partie de Combraille, celles des anciens cantons d’Evaux, de Chambon, d’Auzances et de Bellegarde. C’est cette fois 41 communes, de tailles variables, qui sont étudiées. Cela représente un nombre important de migrants, plus de 3.000, et de migrations, près de 11.000, qui ont été répertoriés dans des tableaux que nous pouvez consulter et qui ont fait l’objet d’un travail d’analyse et de synthèse que vous pouvez lire.
Voici ci-dessous l’introduction de l’article et un bref résumé de son contenu :
La migration des maçons des anciens cantons d’Evaux, de Chambon, d’Auzances et de Bellegarde à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème.
Etude comparative.
Cette étude fait suite à deux précédents travaux publiés en 2021, « La migration des maçons Sannatois de 1880 à 1914 » et en 2022 « La migration des maçons des anciens cantons d’Evaux, de Chambon et d’Auzances à la fin du 19ème et au début du 20ème siècles. » qui figuraient sur le site internet de l’association « Sannat Histoire et Patrimoine ». Mais cette deuxième étude est maintenant remplacée par celle-ci pour les raisons que vous comprendrez en poursuivant cette lecture.
Ces précédentes études, comme celle plus approfondie que nous avions développée dans notre livre N°2 (qui figure également sur le site sous le titre « Population et société sannatoise du milieu du 19ème siècle au milieu du 20ème siècle ») mettaient en lumière des éléments connus de la migration des maçons creusois, mais également des singularités qui pouvaient étonner ; deux en particulier. La première montrait que la migration saisonnière ne disparaissait pas dans les dernières décennies du 19ème siècle, contrairement à ce qu’on lit fréquemment, mais que si elle diminuait, certes, elle se maintenait toutefois à un bon niveau, jusqu’à la déclaration de guerre en 1914…et même, dans une moindre mesure, dans les années d’après-guerre. L’autre discordance concernait les lieux de migrations. Si la Région Parisienne figurait bien en bonne place, la Région Lyonnaise, présentée généralement comme la destination favorite des migrants de l’est creusois, y compris du canton d’Evaux, était presque absente de nos statistiques, alors que le Nord-Est, généralement peu évoqué dans les publications, était prépondérant.
(A titre d’exemples de ces affirmations qui ne correspondaient pas à notre étude et qui semblaient indiquer une singularité sannatoise, on peut lire dans le livret qui reprend le contenu des panneaux de l’exposition de 2021 présentée aux Archives départementales de la Creuse à Guéret « Dès 1880, l’émigration annuelle sera remplacée par une émigration définitive où les familles rejoindront les ouvriers. », ou encore « Les migrants…des cantons d’Auzances et d’Evaux préfèrent se rendre dans le Rhône, comme Lyon, ou à Saint-Etienne. »).
S’agissait-il de deux singularités sannatoises, ou les affirmations généralement répétées étaient-elles inexactes ? L’étude que nous avons menée, Anne-Marie Maleterre-Delage, et moi-même Jean-Pierre Buisson, qui portait sur la trentaine de communes que comptaient les anciens cantons d’Evaux, de Chambon et d’Auzances, a montré que le canton d’Evaux ne différait guère de la commune de Sannat qui en est un élément, que le canton de Chambon, peu migrant était plutôt orienté vers Paris, et que le canton d’Auzances, très migrant, offrait une très grande hétérogénéité. Les communes du nord de ce canton, proches de celui d’Evaux, privilégiaient comme lui le Nord-Est de la France, celles du sud du canton se partageaient plutôt majoritairement entre la région parisienne et la région lyonnaise. Cette dernière faisait donc bien une assez timide apparition, mais grossièrement, à égalité avec les deux autres grandes régions d’accueil, le Nord-est et la Région parisienne. Pour trouver des différences plus notables, peut-être fallait-il étendre notre étude au sud-ouest de la Combraille, avec l’ancien canton de Bellegarde. Ce complément a été intégré à l’étude précédente, qui, ainsi enrichie remplace l’ancienne version pour éviter les redondances.
Comme dans les études précédentes nous avons utilisé comme source les registres matricules, disponibles sur le site des archives départementales.
Seront vus successivement :
–L’importance quantitative de la migration dans les cantons d’Evaux, de Chambon, d’Auzances et de Bellegarde, avec des tableaux et surtout des cartes, par communes, coloriées et commentées. Pages 4 à 14
–Les régions de destination des migrants, par cantons, puis par communes et l’évolution dans la période d’avant 1914 : Pages 14 à 35
–Le rôle de la migration dans le déclin démographique : Page 36 à 40
–La migration des maçons après la guerre de 14-18, qui n’a pas disparu, mais qui s’est renouvelée : Pages 41 à 46
…et quatre annexes : Pages 47 à 54.
Tableaux des migrations pour les communes des quatre cantons
Sur chacun des tableaux les lignes surlignées en jaune contiennent les informations sur l’état-civil du migrant. Les lignes blanches mentionnent les villes ou les villages de migration. Le premier nombre indique l’année (avec seulement les deux derniers chiffres ex : 08 signifie année 1908), le nombre placé après le nom indique le numéro de département ex : 88 signifie Les Vosges. Le tableau de Sannat, un peu plus complet, et construit selon des modalités différentes, diffère de celui des autres communes (voir explications page 3 de l’article à télécharger ci-dessus). Mais comme il est dit dans l’article, seules ont été utilisées pour l’étude comparative les données se basant sur les mêmes critères.