Histoire des églises et des cimetières de Sannat

 

Cet article a été rédigé dans le cadre de la préparation d’une conférence donnée à Sannat à l’occasion de l’Assemblée Générale de Sannat Histoire et Patrimoine, le 29 juillet 2023. La conférence a été suivie le 5 août d’une visite commentée de l’église, agrémentée d’une exposition d’objets et d’habits sacerdotaux, et d’une démonstration d’harmonium, puis d’une visite du cimetière. Le hasard veut que cette année 2023 soit celle du 125ème anniversaire de l’inauguration de cette nouvelle église. La paroisse de Sannat avait fêté le cinquantenaire en 1948, puis le centenaire en 1998. Nous ne fêtons rien aujourd’hui, nous honorons simplement ce bâtiment parce que c’est une maison commune des Sannatois, et qu’elle fait partie de notre patrimoine. L’année prochaine ce sera le tour des écoles !

L’église de Sannat est relativement singulière comparée à ses voisines, par ses dimensions, par son style et par l’emploi des matériaux. Il faut mettre à part les deux monumentales églises de Chambon et d’Evaux qui ne sont pas à l’origine des églises paroissiales, mais des églises de communautés religieuses. Il s’agit d’une abbatiale pour Chambon (première photo à gauche), c’est-à-dire l’église d’une communauté de moines, un chapitre pour Evaux (photo N°2), c’est-à-dire l’église d’une communauté de chanoines.  Les deux datent des 11ème et 12ème siècles et sont donc de style roman. C’est probablement un peu plus tard, au 12ème et au 13ème siècles, qu’avait été construite la précédente église de Sannat, mais elle de style gothique.

 

La nouvelle église a naturellement poursuivi dans ce style style gothique, un style, qu’on appelle aussi ogival, qui est né en Ile de France au milieu du 12ème siècle, puis qui s’est épanoui en Europe au 13ème et 14ème siècle. Les nouvelles églises qui ont été construites, souvent dans la deuxième moitié du 19ème siècle ou au début du 20ème, dans les campagnes ont été pour la plupart des reconstructions, elles ont épousé un style ou bien l’autre. Sannat a logiquement choisi le gothique, on parle alors de néo-gothique, alors que ses deux voisines, Tardes (photo N°3) et Reterre (photo N°4) ont opté pour le néo-roman. Une des caractéristiques du gothique était la hauteur du corps central abritant la nef, et plus encore des tours et des flèches. L’aspect élancé, aérien, glorifiait Dieu et les hommes, dans ce 13ème siècle qui retrouvait l’optimisme après les sombres siècles précédents. A l’échelle d’une petite commune comme la nôtre, on a édifié une église et un clocher qui se voient de loin, qui s’envolent haut vers le ciel. Dimensions presqu’exagérées pour un village, non seulement en hauteur, mais en surface, et encore est-elle moins grande que l’aurait souhaité l’abbé Brugère. Dernière caractéristique de ce qu’on appelle la magnificence recherchée des lieux de culte pour glorifier Dieu, l’emploi des moellons de granite. Un très beau granite local, parfaitement taillé, omniprésent, dans la totalité du clocher, les contreforts, les soubassements et les encadrements de baies.

On peut ne pas aimer, et trouver l’édifice trop moderne, voire un peu prétentieux. On peut préférer le charme désuet et l’humilité d’une reconstruction comme celle de Tardes qui peut faire croire que l’église est authentiquement médiévale. Mais on peut aussi aimer dans notre église l’expression du talent des maçons et tailleurs de pierre creusois qui semblent avoir voulu accomplir, en construisant notre église, ce qu’on appelle un « chef d’œuvre » dans la tradition des métiers du bâtiment.

Mais avant de parler de la nouvelle église, parlons de l’ancienne.

  • A quoi ressemblait l’ancienne église détruite en 1895 ?

Nous n’en avons pas de photo, ou plutôt nous n’en avions aucune, jusqu’au mardi 11 juillet dernier où Marielle a découvert dans une armoire de la sacristie une photo d’un portail d’église, que j’ai immédiatement pensé être celui de notre ancienne église. Jusqu’alors on nous présentait une photo du château de Villemoleix (première photo ci-dessous), avec au premier plan à gauche, un vestige de portail qui aurait été celui de l’église de Sannat[1]. Il ne me paraissait pas digne d’être celui d’une église médiévale, et je suis fort aise de vous présenter celui dont on peut penser avec une quasi-certitude qu’il est le vrai (deuxième photo).

                                      

 

Beaucoup d’indices militent en ce sens. On devine facilement que l’église est en cours de démolition (on voit que le sol a été chamboulé – les dalles de pierre de Volvic ont été arrachées[2], et le jour point à travers la porte, indiquant ainsi que des murs ou le plafond ont disparu. A côté du prêtre, qui est donc l’abbé Brugère, un ouvrier brandit un mètre, ce qui signifie qu’il vient de prendre des mesures, et surtout toutes les pierres sont numérotées, par rang. Cela veut dire qu’elles vont être minutieusement démontées, pour être remontées ailleurs[3]. Où l’ont-elles été ? Certains disent à Chambon, au château de Villemoleix et tirent argument de la photo citée…à tort. Mais on dit aussi que le portail de notre ancienne église a été vendu ensuite à des Américains, et qu’il serait dans un musée aux Etats-Unis. L’encadrement de porte de grange de Villemoleix aurait-il mérité de traverser l’Atlantique pour être exposé dans un musée ? Enfin, derniers arguments qui prouve qu’il s’agit bien de notre ancien portail, d’abord le fait que c’est dans une armoire de notre actuelle église qu’on a trouvé ce cadre, église où il avait dû être accroché ; ensuite parce qu’on peut dater avec une relative exactitude la photo. Au dos du cadre dans lequel est disposée la photo, le carton qui la retient est solidarisé au pourtour du cadre par une bande de papier journal sur lequel on peut lire « hier le conseil des ministres s’est réuni sous la présidence du Président de la République Félix Faure, tout juste rentré de son voyage à St-Etienne ». Félix Faure est ce Président qui eut une fin heureuse et malheureuse à la fois, il est mort en 1899 dans les bras de sa maîtresse, mais l’année auparavant il avait effectué un voyage officiel à Saint-Etienne les 29 et 30 mai 1898. La photo a probablement été encadrée dans les jours suivants, avec le journal qu’on avait sous la main.

Cette photo que l’on encadre en juin 1898 met en valeur autant l’abbé que le portail, et les associe. Début juin 1898, c’est-à-dire trois mois après le décès de l’abbé Brugère[4], le grand artisan de la construction de la nouvelle église, mort alors qu’il n’avait sans doute pas encore eu l’occasion d’être photographié devant le nouveau lieu de culte, qui n’a été consacré que le 10 octobre 1898. C’est probablement pour rendre hommage au prêtre défunt qui avait tant œuvré pour la construction de la nouvelle église que cette photo, qui symbolise le passage, la transition de l’ancienne à la nouvelle, prise deux ou trois ans plus tôt, a été encadrée et exposée dans la nouvelle église…puis décrochée, par qui ? Pourquoi ? …et glissée au fond d’une armoire.

Mais l’ancienne église, avant d’être détruite avait connu, une quarantaine d’années plus tôt, d’importants travaux d’agrandissement…

 

[1] Le château de Villemoleix aurait également récupéré quelques chapiteaux

[2] On peut encore voir certaines de ces anciennes dalles de l’église. Beaucoup ont été récupérées pour daller les sols de maisons de Sannat. Ce fut le cas naturellement du presbytère qui en possède dans une pièce, dans le couloir et dans la courette devant la maison, visible depuis la rue.

[3] J’ai vu la même chose ailleurs, en Espagne, sur le chemin de Saint-Jacques, où une ancienne église a été remontée sur le plateau suite à l’ennoiement d’une petite ville, à la suite de la construction d’un barrage. Certains numéros étaient encore apparents.

[4] L’abbé Jean-Baptiste Brugère, né à Dontreix, est décédé à Sannat le 28 février 1898 à l’âge de 46 ans.

 

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Complément d’information sur le chapiteau retrouvé à la Chaize

Le chapiteau vient d’être installé dans l’église. Il est accompagné d’une reproduction de la photo de l’ancien portail et de deux courts textes. En voici le contenu :

 

Chapiteau de l’ancienne église

Un chapiteau est la partie sommitale d’une colonne ou d’un pilastre, comme c’est le cas ici. Un pilastre étant une colonne encastrée dans un mur, ou en saillie contre un mur. Elle n’a pas pour but de supporter, contrairement à la colonne, elle est surtout un élément décoratif. On en trouve en particulier dans l’encadrement d’une porte, comme on peut le voir sur la photo, ou d’une fenêtre.

Sur ce cliché pris probablement en 1896, on voit le portail de l’ancienne église de Sannat (construite au 13ème siècle), en cours de démolition, avec au premier plan le prêtre qui a été à l’initiative de la construction de l’église actuelle, en 1897-1898, l’abbé Jean-Baptiste Brugère.

Ce portail, dont on voit que les pierres ont été numérotées pour qu’il puisse être démonté et remonté, l’a été à Villemoleix…puis aux Etats-Unis où il doit encore se trouver. On avait emmené en même temps, disent les historiens, 2 ou 3 autres chapiteaux. Un a dû tomber de la charrette qui transportait les pierres à Villemoleix…et il a été retrouvé près de chez lui, dans un ruisseau, par un agriculteur de la Chaize, Philippe Blouin, un siècle plus tard, au début des années 2000. La photo, unique témoignage de l’ancienne église, que Marielle Bodeau a retrouvée récemment, à l’occasion de l’exposition que nous avions réalisée en juillet 2023, nous a conduit à faire le rapprochement entre ce chapiteau et l’ancienne église, et d’en déduire qu’il devait en être un élément. Ne provenant sans doute pas du portail, mais d’une autre ouverture. (Voir ci-contre)

Nous ne pouvons pas avoir de certitude, mais la probabilité est grande, d’une part que la photo représente l’abbé Brugère et le portail de l’ancienne église, et d’autre part que cette pierre soit un chapiteau de l’ancienne église.

 Le 11 décembre 2023.                            Jean-Pierre Buisson.                                                                        Sannat Histoire et Patrimoine

On peut remarquer la grande ressemblance entre les chapiteaux, ceux de la photo du portail, et celui qui a été retrouvé, bien que la pierre ait dû être altérée par un séjour d’un siècle dans un milieu très humide.

La similitude des motifs décoratifs est grande. Les mêmes volutes (petites spirales) ornent les chapiteaux. Les dimensions, telles qu’on peut les évaluer, sont du même ordre de grandeur.

Plusieurs églises gothiques du même style que la nôtre, érigées au 13ème siècle, ont été conservées dans notre région.

Les portails ont tous la même allure, mais le détail des chapiteaux change, qu’il s’agisse des motifs ou de la technique d’assemblage. De ce double point de vue, le chapiteau retrouvé à Sannat, et ceux de l’ancienne église de Sannat sont les plus ressemblants.

Voir ci-dessous les photos de 11 autres portails d’église de même époque et de même style que celui de l’ancienne église de Sannat. Pour chacun d’entre eux figure à droite le détail des chapiteaux.

Eglise d’Auzances

Eglise de Bussière-Nouvelle

Abbatiale Sainte-Valérie de Chambon-sur-Voueize

Eglise de Champagnat

Eglise de La Serre-Bussière-Vieille

Eglise du Compas

Portail de l’ancienne église du Tromp intégré à l’église de Saint-Priest

Eglise de Lépaud

Eglise des Mars

Eglise de Rougnat

Eglise de Saint-Domet

Ancienne église de Sannat