Erosion et Relief
L’action de l’érosion
Commentaire des cartes
Comme nous le rappellent les deux cartes ci-dessus, nous avions constaté deux « anomalies » dans la ligne de partage entre le haut et le bas de la commune qui suivait la courbe de niveau 500m. D’une part elle remontait étrangement au nord sur la droite de la carte, d’autre part, au lieu d’être droite, elle était très sinueuse.
Nous avons justifié l’excroissance vers le nord-est par la présence du dyke. Nous pouvons à présent expliquer l’autre « anomalie », les sinuosités de la courbe. On peut constater que les nombreuses échancrures sont systématiquement traversées par des cours d’eau, ruisseaux ou rivières. Elles correspondent en fait à leurs vallées qui pénètrent les coteaux.
La totalité du paysage de notre commune s’explique par deux facteurs : La tectonique, c’est-à-dire les déformations en profondeur de l’écorce terrestre, et l’érosion, c’est-à-dire l’usure, en surface, de cette écorce terrestre.
Nous avons évoqué les deux phénomènes tectoniques qui ont affecté notre territoire, tous les deux à l’ère tertiaire : d’abord le (re)soulèvement-basculement, consécutif à la surrection des Alpes, de l’ancien massif hercynien qu’est le Massif Central, ensuite la remontée d’une poche magmatique dont le refroidissement et la solidification ont donné naissance au dyke.
Comment l’érosion a-t-elle modelé notre paysage ? Le matériau dans notre commune est exclusivement le granite, et l’agent d’érosion, l’eau. Nous nous limiterons donc à ce seul phénomène, l’érosion du granite sous l’action de l’eau, sans trop entrer dans le détail.
L’altération du granite
L’eau à une triple action, d’une part elle altère, (ou détériore) le granite en le décomposant, d’autre part elle transporte, par le ruissellement de surface, puis par les cours d’eau qui charrient les débris : boue, sable, graviers et galets, cailloux de différentes taille, etc…Et enfin elle arrache (notamment lors des crues) et elle use, moins par elle-même que par les « abrasifs » qu’elle transporte (sable et cailloux).
Le granite est composé essentiellement de cristaux de quartz, de feldspath, de mica blanc et de mica noir. Le granite est naturellement imperméable, l’eau ne le pénètre pas, ou très peu. Mais ce granite est généralement fissuré. Ces mini-fractures, appelées diaclases, ont plusieurs origines, le refroidissement et la solidification du magma originel, les contre-coups des mouvements tectoniques, ou les variations de température (notamment le gel). L’eau peut ainsi pénétrer, à partir de la surface, au cœur de la roche, aidée souvent par les racines des plantes, et par le sol qui entretient l’humidité. Les micas s’altèrent les premiers, puis les feldspaths, libérant les quartz constitués de silice qui eux sont pratiquement indestructibles. Le ruissellement, les cours d’eau, et éventuellement le vent dans les régions plus arides, enlèveront en partie ou totalement les résidus issus de la décomposition du granite. Ces résidus, quels sont-ils ? Le quartz, c’est à dire les grains de sable qu’on trouve au fond des rivières et qui peuvent être transportés jusqu’à la mer où ils garnissent nos plages. Le feldspath qui forme l’argile, qui pour l’essentiel se dépose au fond des lacs et des mers et qui, quand l’eau se s’est retirée, tapisse le fond de certaines de nos plaines (en étant souvent mélangé à des squelettes de poissons et des coquillages qui eux donnent le calcaire…ce mélange des deux donnant des sols riches issus de ces « marnes argilo-calcaires »). Le mica, riche en fer, s’oxyde et mélangé à l’argile, ou parfois au sable, leur donne leur coloration rougeâtre.
Mais avant d’en arriver là, avant que ses composés soient enlevés, ce granite altéré, en décomposition, a formé une couche intermédiaire entre le sol végétal, et la roche saine, qu’on appelle « l’arène granitique ». Formée d’un mélange de sable, d’argile, et de cailloux de différentes tailles, elle est plus ou moins épaisse, de quelques dizaines de centimètres à plusieurs mètres. C’est cette couche que l’on trouve en dessous de la couche de terre végétale dont elle est pour partie à l’origine. (L’autre composant vient de la décomposition des végétaux. La part respective du végétal et du minéral dans nos sols influence leur couleur et leur fertilité). Cette arène granitique, partout présente à Sannat, sauf lorsque la roche-mère affleure, est tantôt plus riche en matériaux de petite taille (à l’origine de nos carrières de tuf-mélange de sable et d’argile- qui était à la base du mortier d’autrefois), ou de grandes tailles (à l’origine, après dégagement des petits matériaux autour, des grosses boules de granite, parfois empilées en chaos granitiques, dont les Pierres Jaumâtres constituent le plus bel exemple). Mais on trouve de très belles boules de granite également dans notre commune. Par exemple dans un champ à gauche quand on gravit le chemin des Fourmis.
L’action des cours d’eau :
Du simple filet d’eau au fleuve, le cours d’eau érode, transporte, et dépose. Il érode le fond de son lit et ses rives (notamment les rives concaves contre lesquelles le flot vient buter) et creuse progressivement une vallée. Il creuse d’autant plus que le débit est important et la pente est forte. Plus il va vers l’aval, plus généralement la pente s’adoucit, et le flot ralentit. Excepté lors des périodes où le débit s’intensifie, jusqu’à provoquer des crues, à l’aval la rivière ou le fleuve ne creuse plus, au contraire, il n’a même plus la force de transporter toutes ses alluvions, il en dépose beaucoup, générant de grands bancs de sable et de galets. La pente des cours d’eau arrivés « à maturité » tend vers ce qu’on appelle un « profil d’équilibre ». Remontant de son point d’arrivée qu’on appelle « le niveau de base », généralement la mer, on constate que la pente est faible à l’aval et forte près de la source, située généralement dans des régions élevées. Elle est moyenne entre les deux. Cette érosion à l’origine de la formation de la vallée est dite régressive, c’est-à-dire que ce profil d’équilibre, celui où le fleuve cesse de creuser (et de déposer s’il y avait des parties trop basses à combler), est d’abord atteint à l’aval et progressivement, au cours de millions d’années, plus en amont. (1)
- (1) L’importance des vallées parait souvent disproportionnée par rapport à celle des cours d’eau qui en sont à l’origine. « Comment un si petit ruisseau a-t-il pu creuser une si grande vallée ? » se demande-t-on souvent. D’abord le ruisseau n’est pas le seul à avoir creusé la vallée, ses ruisseaux affluents qui descendent sur ses flancs y ont participé, en élargissant la vallée. Ensuite le climat a énormément changé au cours des temps. Il a pu être beaucoup plus humide ( les rivières plus grosses érodaient davantage) ou beaucoup plus chaud (ce qui accélère l’altération de la roche). Enfin il faut avoir conscience de l’échelle du temps. Une usure d’un millimètre par an signifie…1000 mètres en un million d’années. Et si c’est seulement un dixième de millimètre par an…cela fait tout de même 100 mètres en un million d’années. Et un million d’années, c’était hier !
Pour un affluent le niveau de base est le confluent avec la rivière principale. Dans notre cas, le niveau de base est donc le bassin de Chambon où la Méouse et le Chat-Cros se jettent dans la Tardes. L’effondrement de ce bassin à l’ère tertiaire à engendré une dénivellation très forte avec le plateau. (Par exemple l’altitude est de 330m à Chambon contre 450m à la Bessède, soit une dénivellation de 120m, alors qu’elle n’est que de 50 m entre la Bessède et le Bourg de Sannat, et une cinquantaine de mètres encore pour rejoindre l’étang du Montgazou qui marque l’entrée de la Méouse dans notre commune). Conséquence de cette érosion dite « régressive » (qui commence par l’aval en remontant vers l’amont), la rivière a davantage creusé près de Chambon, créant ce profond encaissement de la vallée qui cesse un peu avant Saint-Jean la Bregère…mais qui logiquement se poursuivra jusqu’au pont Lavalluche, avec cependant une ampleur moindre car dans ce secteur la pente est faible, mais avec plus de vigueur entre le Pont Lavalluche et le Montgazou car là, au contraire, la pente est nettement plus forte, et en conséquence l’érosion plus puissante comme le montre l’encaissement de la vallée de la Méouse au niveau du secteur La Petite Louche-Les Bordes.
La Méouse ne passe pas au Tirondet-d’en-bas, ni à la Chassignole, mais à proximité, en contrebas. Les points choisis sont ceux dont l’altitude figure sur la carte IGN.
Les alvéoles :
Si l’on regarde les photos satellites qui vont suivre, ou simplement le paysage en certains lieux de la commune, on constate que tous les cours d’eau prennent leur source dans des vallons dont l’extrémité en demi-cercle les fait ressembler à des cuvettes, ou des amphithéâtres. Ce sont des zones humides, un peu marécageuses, où poussent les roseaux. Un filet d’eau permanent ou temporaire sort, qui bientôt en rejoint un autre. A partir de cette source l’eau s’écoule et forme un ruisseau. Cette cuvette d’origine, on appelle cela une alvéole. L’alvéole collecte les eaux de pluie, les retient comme une éponge, et les restitue progressivement par la source qui se situe dans sa partie centrale inférieure. C’est elle qui façonne notre paysage.
On en trouve partout. Celle de la Méouse est bien visible au-dessus de l’étang du Montgazou, en dessous du village de la Vaisse. Depuis cette route Evaux-Mainsat on en voit deux autres : dans la zone carrefour de la route de St-Pardoux, carrefour de la route de Châtain, celle du ruisseau de Fayolle; au-dessus de Luard celle du ruisseau des Ramades. (Quand on emprunte la route qui descend sur Saint-Pardoux, on traverse successivement l’alvéole du ruisseau de Fayolle, puis après avoir remonté au niveau de la Croix du Lard, on entre dans l’alvéole de la Noisette).
Autre endroit, sur la route Sannat-Evaux on remarque très bien une deuxième alvéole de la Noisette, après que le ruisseau se soit un peu encaissé avant les Couteaux, quand on aperçoit sur la gauche l’immense panorama qui s’ouvre à nous après avoir monté la côte. Poursuivant notre route, juste après le carrefour avec le GR on voit à droite l’alvéole du ruisseau qui nait au pied du pylône des Fayes, et arrivé au carrefour de Savignat, c’est-à-dire au sommet du dyke, c’est à gauche qu’on domine l’alvéole de la Loisille qui est à nos pieds.
On pourrait multiplier les exemples. Ainsi à l’étang Giraud, au cœur de la vallée de la Méouse,où trois alvéoles bien visibles débouchent sur l’étang, ou à proximité. Une avec son ruisseau descend de la Grande Louche, une autre, sur le même versant descend des Coutures et arrive au pont du Rivaud, en face une, asséchée, descend des Sécharoux, et une quatrième vallée, cachée dans les bois fait suite à l’alvéole de la Gasne. D’une manière générale, l’ensemble de notre paysage est façonné par les ruisseaux et les rivières, leurs alvéoles d’origine, et les mini-alvéoles secondaires qui se forment sur les versants de leurs vallées. Ce paysage qui au premier abord parait anarchique est en fait parfaitement hiérarchisé et cohérent. Cet ordonnancement explique la multitude des côtes et des descentes, et donc des virages, dont on se plaint parfois et qui sont responsables de nos difficultés de circulation…mais qui font le charme de notre paysage.
Les principales alvéoles vues du ciel
L’alvéole de la Loisille (Le Poux)
Sur cette photo satellite on distingue très bien la partie nord du dyke et la grande échancrure autour du Poux. C’est typiquement une alvéole. Elle a été creusée par les deux ruisseaux dont on devine le cours, la Noisette qui coule entre Samondeix et le Poux, et la Loisille qui vient de la droite du Poux.
La partie du dyke restée intacte est recouverte par la forêt. Ce sont les Bois d’Evaux.
Après son confluent avec la Loisille, la Noisette traverse la route de Chambon (en jaune), puis se jette dans la Méouse après le Montfrialoux, et avant Anvaux. La Méouse, alors très encaissée, poursuit son cours jusqu’au bassin de Chambon.
Dans la partie droite de l’alvéole du Poux, on peut apercevoir, de l’autre côté du dyke, le début d’une autre alvéole. C’est l’alvéole des Rieux, que l’on peut voir également sur la photo aérienne prise depuis l’ULM de François Gaulier, et que l’on voit aussi très bien de route d’Evaux, sur la droite, entre les carrefours de la Prugne et des Rieux.
Alvéole du Poux (ou de la Loisille) vue depuis l’ULM de François Gaulier en juillet 2015
L’alvéole du Poux (ou de la Loisille) est délimitée approximativement par un trait jaune. (Ne pas confondre avec le trait jaune d’origine de la photo qui indique les routes principales). Le trait bleu marque la limite du dyke.
L’alvéole du Poux et son symètrique, l’alvéole des Rieux.
Photo ci-desssus : Au centre : Le sommet du dyke recouvert par les Bois d’Evaux. A l’arrière plan : L’alvéole du Poux. Au premier plan : Le début de l’alvéole des Rieux au niveau du carrefour de la Prugne.
Photo ci-dessous : L’alvéole des Rieux. A droite le sommet du dyke recouvert par les Bois d’Evaux, à gauche la cuvette formée par l’alvéole. Entre les deux, la route d’Evaux qui longe, en balcon, l’alvéole. Au centre de celle-ci le village des Rieux, et sur sa droite : La Prugne. Preuve que nous sommes bien sur le dyke, presque toutes les maisons sont construites avec ce que nous appelons, nous, la pierre des Fayes…mais qui est aussi leur pierre.
L’alvéole de la Noisette (Saint-Pardoux)
L’alvéole de Saint-Pardoux a été creusé par la Noisette. Située entre le chemin des Pouges et le plateau des Frétaux (route Mainsat-Evaux qui parcourt ici le sommet du dyke), elle se poursuit après les Couteaux, en se confondant avec l’alvéole du Poux, qui est de fait l’alvèole à la fois de la Loisille, et de la deuxième partie du cours de la Noisette.
Les alvéoles de la Méouse
Avec les trois alvéoles de la Méouse ici délimitées, nous nous éloignons du dyke dont les limites approximatives sont représentées par un trait bleu.
Trois alvéoles principales (en jaune) , se prolongeant par des vallées, forment le bassin de la Méouse jusqu’à Saint-Jean-la-Bregère. Au premier plan passe la route Evaux-Mainsat, la D19. Elle traverse la parie supérieure de deux alvéoles, à gauche celle de la Méouse, avec l’étang du Montgazou, à droite, celle de son affluent de rive droite, le ruisseau de Fayolle. Mais on voit qu’au niveau des Bordes la vallée se resserre, et qu’après la Petite Louche s’ouvre une nouvelle alvéole que l’on devine très bien quand on passe au pont Lavalluche. A partir de là, la pente devient plus faible et la vallée s’élargit.
Cette photo satellite est prise en direction du sud, comme si l’opérateur était par exemple au-dessus du Puylatat. Au premier plan la route du Poux (et du stade), et celle de Chambon, convergent vers le Bourg. En face, au milieu part la route de Mainsat dont on voit qu’elle contourne la Petite Louche. A la sortie du Bourg, de cette route, part à gauche le chemin des Pouges. Entre les deux se situe la vallée de la Méouse, assez étroite, mais qui s’élargit en amont en une vaste alvéole à partir des Bordes (avec en terminaison deux sous-alvéoles).
L’alvéole du ruisseau de Réris
Nous sommes maintenant, à gauche de la photo, au dessus de la route de Mainsat, là où commence, juste avant le carrefour de la route de Luard, l’alvéole, puis la vallée du ruisseau de Réris, et là plus précisément celle de son affluent, le ruisseau des Ramades. La route qui la traverse, un peu plus bas, est la route de Saint-Priest, au niveau de Lavaud et du pont Riri. Plus loin on devine le confluent avec la Méouse à Saint-Jean-la-Bregère.
Nous avons ainsi survolé, et tenté d’expliquer, l’ensemble du relief de la commune. Les quelques parties qui nous ont échappé sont celles qui sont comprises entre ces vallées, ces alvéoles, et ce dyke. C’est tout simplement le plateau granitique originel, là où il a été le moins malmené, tout en étant progressivement abaissé lui aussi par l’érosion.
Et pour conclure ces austères pages avec un peu d’humour…nostalgique pour les vieux baby-boomers…