L’antiquité : Une importante romanisation
Avant la conquête de la Gaule
La présence de l’homme à Sannat est ancienne, elle remonte au moins au néolithique, c’est-à-dire la période de la pierre polie, celle qui a vu l’homme adopter un mode de vie agro-pastoral, et qui en Limousin va d’environ -5000 à -2000. La preuve : il a été retrouvé près du village du Rivaux, entre les deux guerres, une hache en pierre polie qui a été donnée au musée d’Auzances.
Notre région fut occupée à partir du 5ème siècle avant J.C, comme toute l’Europe occidentale, par les Celtes, peuple venu d’Europe centrale, que l’on appelle Gaulois dans le territoire qui correspond approximativement à une France qui irait jusqu’au Rhin, englobant la Belgique, une partie des Pays-Bas et de la Suisse. La Gaule ne formait pas un état mais les peuples gaulois (une centaine), sans être unis, partageaient la même langue (non écrite), les mêmes coutumes et même des liens de vassalité qui permettaient à des peuples, comme les Arvernes ou les Eduens, d’être plus puissants que les autres.
Cette carte montre le district (ou territoire) des Lémovices, c’est-à-dire le peuple gaulois dont le territoire correspondait approximativement au Limousin d’avant la réforme régionale. En haut à droite, le pays des Cambovices, autour de l’actuel Chambon, correspond à notre Combraille. L’existence de cette sous-partie du peuple Lémovice est contestée par la majorité des historiens.
Etions nous avant l’arrivée des Romains des Lémovices comme les autres, ou bien un peuple à part, les Cambovices ou Cambovicenses dont parle Jean-François Baraillon. Ils auraient vécu au pays du Comboro qui signifierait confluent en celte ? Quel confluent ? Celui de la Tardes et du Cher près de Chambon-sur-Voueize, ou celui du Sioulet et de la Sioule près des Ancizes ? Les Cambovices, dont le nom apparaitrait dans la table de Peutinger, copie médiévale de la carte antique dite théodosienne, ne semblent pas trouver grâce auprès des historiens. Pour les historiens contemporains, le territoire (le pagus) du peuple Lémovices s’étendait jusqu’aux limites de celui des Arvernes, suivant un tracé qui n’a guère varié au cours de l’histoire, et qui était encore pratiquement celui des ex-régions Limousin et Auvergne, c’est à dite le cours du Cher et de la Dordogne. La capitale de ce pagus était l’oppidum de Villejoubert (situé sur la commune de Saint-Denis des Murs, entre St-Léonard de Noblat et Eymoutiers).
Notre région fut conquise, comme le reste de la Gaule, au cours de la fameuse « Guerre des Gaules » décrite et gagnée par César en 52 av JC. Le peuple Lémovices auquel nous appartenions envoya un important contingent de combattants pour soutenir le chef voisin et allié Vercingétorix, mais cela ne suffit pas à assurer la victoire.
La domination romaine
De Gaulois nous devinrent Romains entre 48 et 212 ap. J.C. quand fut progressivement accordée la citoyenneté romaine, d’abord par l’empereur Claude qui l’ouvrit aux élites gauloises, puis grâce à Caracalla qui la généralisa à tout l’Empire. Nous appartenions alors (déjà !) à une grande région Aquitaine, (la province de Gaule Aquitaine) qui allait des Pyrénées jusqu’à la Loire, gouvernée par un légat qui représentait l’empereur, et dont la capitale fut successivement Saintes puis Bordeaux (Burdigala).
Le pagus des Lémovices fut réorganisé par Auguste qui fonda une nouvelle capitale Augustoritum (Limoges), comme en Auvergne l’oppidum de Corent fut délaissé au profit de Clermont. Les grandes cités les plus proches de nous étaient Limoges, Clermont, Bourges et Argenton. Les villes les plus importantes de Creuse semblent avoir été alors Ahun (Acitodunum sur la route Bourges-Clermont) et Evaux-les-Bains.
Notre territoire n’était pas aussi isolé, qu’on pourrait le penser comme le montre la carte page suivante. Aussi subit-il, ou bénéficia-t-il, d’une intense romanisation comme le prouve l’abondance des découvertes archéologiques faites dans la commune…mais dont malheureusement il ne reste que peu de traces. Les informations sont tirées de plusieurs ouvrages, mais qui partiellement au moins utilisent les mêmes références. Ce sont les incontournables de l’histoire creusoise : Joullieton, Duval, Baraillon, Bost, Janicaud, le tout ayant été synthétisé, corrigé ou enrichi par Dussot en 1989 dans sa carte archéologique de la Creuse qui est un inventaire des découvertes archéologiques de l’âge du fer au début du Moyen-âge, commune par commune, site par site, concernant le département de la Creuse.
Au chapitre Sannat, concernant la période romaine, figurent de nombreux lieux où ont été trouvés des vestiges :
-Le Bourg : quelques vestiges. L’eau y était conduite par un aqueduc. Un trésor monétaire proviendrait de ces ruines. (La découverte de l’aqueduc fut faite vers 1860)
-Anchaux : vestiges d’une grande villa et trésor monétaire.
-Anvaux : Un trésor monétaire dont une monnaie de Dioclétien.
-Les Bordes : Le Docteur Janicaud en donne le détail dans un rapport fait à la Société des Sciences le 24 janvier 1935 : Une sépulture où l’on trouva un ossarium (coffre de pierre destiné à recevoir les cendres d’un défunt) qui contenait une urne en verre irisé. Cette urne, qui a été donnée à l’école de Sannat et brisée depuis, contenait des ossements calcinés. A côté de l’ossarium se trouvaient des débris de poteries communes et sigillées de Lezoux (IIème siècle). La poterie sigillée était une poterie vernie rouge, décorée et souvent estampillée, ce qui permet de connaître sa provenance. On sait ainsi qu’un des principaux centres de production en Gaule se situait chez les Arvernes, à Lezoux)
-Le Boueix : Quelques traces d’occupation
-Entre la Chaise et Samondeix : Trésor monétaire probable.
-Près des Bois d’Evaux : découverte vers 1960 d’un trésor de plus de 1000 monnaies, constitué de bronze et d’antoniniens (pièces de monnaie du 3ème siècle ap. JC). 72 pièces sont conservées à Auzances. Toujours dans le secteur des Bois d’Evaux : Plusieurs autres structures avec tegulae (tuiles) ont été repérées le long des bois au nord de la commune. Ajoutons que la voie antique qui reliait Ahun à Evaux passait dans ce secteur d’après le Dr Janicaud
-Le Montfrialoux : Une villa a été partiellement fouillée en 1783. Un bâtiment (15.50m x 7.50m) avec entrée au sud prolongée par un corridor large de 2m environ, a été dégagé. Une seconde construction avait son entrée face à la précédente. Une dernière structure (24m x 12m) était ovale ; elle a restitué des pieds de statue et des boucles en fer. C’est de l’un des bâtiments que provient un trésor composé de plus de 300 monnaies, aux effigies de différents empereurs du 3ème siècle. Les fouilles ont aussi procuré quelques monnaies de billon (alliage d’argent et de cuivre), une soupière, des débris de poterie de terra campana (terra campana, terre rouge foncé que les Romains employaient pour la poterie de luxe dite sigillée), des briques, des tuiles, des carreaux de diverses époques. Joullietton qui confirme dans son Histoire de la Marche et de la Combraille complète à propos des bâtiments : « On conjecture que les deux édifices parallèles servaient à loger une communauté de Druides, et que le troisième était un temple construit depuis l’établissement de la domination romaine dans les Gaules. » Il ajoute : « A une lieue du village du Montfrialoux, près de Louroux, paroisse du Tromp, il existait un autre temple consacré à Vulcain ; du moins on le conjecture… » Sa deuxième conjecture s’est révélée presque exacte, en effet à Louroux, à proximité de Sannat sur la commune de St-Priest, fut découverte en 1971, puis fouillée à partir de l’année suivante, une importante nécropole gallo-romaine où l’on a trouvé plusieurs dizaines de fosses, d’urnes cinéraires et de coffres funéraires.
-La Petite Louche : En 1934, le Dr Janicaud, informé par Mr Roger Billy, gendre du propriétaire du champ, a exploré les lieux. Il précise : « Partout dans ce champ se voient en abondance des débris de tegulae, d’imbrices, de briques de types divers. (Une tegula, pluriel Tegulae, était dans l’Antiquité une tuile plate qui servait à couvrir les toits, faite ordinairement d’argile cuite au four. Un imbrex, imbrices au pluriel, était la tuile creuse semi-cylindrique qui était placée au-dessus des rebords verticaux des tegulae pour assurer l’étanchéité). Un puits circulaire, de près d’un mètre de diamètre, privé de sa margelle et comblé fut fouillé jusqu’à un mètre de profondeur ; il était construit en petit appareil et on y a découvert une tige quadrangulaire de fer oxydé. Non loin de ce puits, 17 pièces d’argent furent trouvées dans un rayon de quelques mètres. Monsieur Billy a bien voulu me les confier pour que je puisse les déterminer. En outre non loin de là près de 300 deniers auraient été découverts. Information de Mr Parotin.
-Le Poux : Parcelles dites Le Liverot, quelques vestiges.
-Le Puylatat : Une structure est marquée au sol par des tegulae et des tessons de poteries
-Le Rivaud : Ruines d’une villa. Non loin, une sépulture à incinération en coffre funéraire de granit.
-Savignat : Grande structure avec tegulae et tessons de poteries
-Saint-Pardoux : Quelques traces de constructions.
-La Ville du Bois : Une structure (villa ?) avec tegulae et poteries.
Remarques : On se rend compte qu’au total c’est une quinzaine de sites qui ont été repérés sur la commune de Sannat, ce qui est considérable. Si l’on se limite au seul inventaire monétaire (c’est-à-dire des sites où l’on a trouvé des pièces anciennes) établi par JP Bost, Sannat est la commune de Creuse où le plus grand nombre de découvertes de pièces ont été faites, 5 endroits (Soit au total 5 sites sur 34 = 15% des sites creusois) !